On dit que l'As triomphe sur la Reine ... [PV : Mélusine]

Prendre une feuille. Blanche. Sortir un crayon gris. Des crayons de couleur. Dessiner. Colorier. Ne plus penser à rien. Ne jamais effacer. Ne pas regarder l'ensemble avant de ne plus avoir de place. Laisser parler son imagination. Le désir triomphe toujours sur le devoir.
Une envie, non plus qu'une envie. Un désir, non plus qu'un désir : un besoin.

Nastassia marche, elle marche sans vraiment savoir où elle va. En réalité, elle cherche un endroit pour dessiner tranquillement, dessiner ces petites choses qui sont ses serviteurs. D'ailleurs ils ne lui ont toujours pas trouvé de Trèfle rouge ... Pourtant ils cherchent, c'est qu'ils ~~disent~~ pensent. On ne parle pas dans le monde de la blondinette. On pense, et juste en pensant, tout le monde sait se que vous désirez. Tout le monde est à vos pieds. N'est-ce pas magnifique ? Pour l'enfant de dix ans ça l'est.
Elle pense à son monde et commence à monter, monter, monter, toujours monter. Quand elle arrive tout en haut elle trouve une porte. En se retournant elle se rend compte qu'elle a quitté les grands escaliers pour des plus petits d'un bois plus fin. Elle s'arrête devant une porte de bois plutôt clair et plus vieux que les autres, comme rongé par un mal intérieur. Nastassia tourne la poignée et pousse la porte qui grince, lentement. Derrière celle ci, une vaste pièce, sombre, avec pour seule entrée de lumière une lucarne. Malgré cette petite lucarne, la pièce semble plongée dans le noir. Elle avance en serrant sa boîte contre elle, la clé toujours autour de son cou. Oui elle tenait la boîte entre ces mains depuis le début. En même temps, comment dessiner sans sa boîte ?
Elle avance telle une enfant dans une fête foraine, en regardant partout autour d'elle, habituant ses yeux bleus ciel à l'obscurité de la pièce. Le grenier. Voilà où elle se trouve. Une sorte de chaise à bascule, oui sorte parce qu'elle ne ressemble plus à rien. On a l'impression qu'elle a été jetée du haut d'un toit ... Cette pauvre chaise a été posée devant la lucarne, dans les rayons de lumières qui peinent à transpercer la couche de crasse tapissant la vitre. Il ne doit y avoir personne parce qu'un silence de mort règne dans la pièce. Le silence n'effraie pas la gamine de dix ans, au contraire, elle l'aime le silence. Oh que oui, il lui est précieux. C'est pendant ce silence qu'elle peut dessiner, parler avec ses serviteurs et s'inventer ses histoires.

*Les autres personnes sont bizarres ici ... Vous ne pensez pas que Papa et Maman se sont trompés en m'envoyant dans ce ... château ?*

Comment contredire la Reine ? Oui ma Reine. Ils se sont très certainement trompés parce que sa Majesté ne peut être comme ces personnes qui semblent toutes folles. Sa Majesté n'est point folle, sa Majesté parle toute seule, elle tue pour voir le sang, elle parle de Trèfles toute la journée, de Trèfles rouges. La Reine n'est pas folle. Oh ça non. Elle est Schizophrène, ce n'est pas être folle ! Techniquement, ses sujets ne lui mentent pas quand ils lui disent qu'elle n'est pas comme eux. Euphémisme ? Certainement. De toute manière, ses serviteurs sont une création de son esprit et elle n'est pas consciente de sa Schizophrénie donc ils ne risquent pas de la contredire. Et puis si son cerveau en décide autrement alors la petite créature sera effacé de sa tête. Elle partira aux oubliettes, comme les autres.

*Je veux rentrer à la maison ... Je ne comprends pas pourquoi je suis ici. Et puis tout est mauvais ici, je le sens, tout semble mort, il n'y a aucun signe de vie. Même les autres semblent morts. Vous ne trouvez pas ?*

Oh si votre Majesté ! Évidement que si ! Il n'y a que nous qui sommes en vie mis à part vous ! Nous l'avions remarqué !
Pendant que la Reine fait son petit discours avec elle même, elle dessine, quelque chose qui semble sombre, des tâches rouges partout, tout est noir et rouge, comme si on regardait le monde à travers un filtre de sang, comme si le monde entier était en sang, comme si cet endroit la rendait folle. Ainsi cet endroit la rendrait folle ? Mais elle l'est déjà ... Ironie du sort ? Non, parce que depuis qu'elle est née elle est destinée à devenir folle, folle au point de tuer ? Oui, au point de tuer, sans en avoir le souvenir. Plutôt pratique, personne ne le sait, même pas elle ...
Le soleil se cache derrière un nuage, elle ne voit plus rien alors elle pose sa boîte sur le sol, sa feuille également, remplie à moitié, ses crayons et elle se laisse aller sur la chaise à bascule. Elle ne bascule plus, est de travers mais elle reste confortable. Elle ferme les yeux, quand elle les rouvre ils sont d'un bleus océans, profonds, néanmoins ils n'expriment rien. C'est ce manque d'expression qui montre la déshumanisation du personnage. Elle se lève, fait attention à ne pas marcher sur la boîte parce qu'elle ne veut pas se faire mal avec les mines.

« Je veux un Trèfle rouge. »

Il était trop tard.

Intriguée par le vieil escalier étroit, Mélusine monte les marches une à une, lentement, sans rien dire. Le bois grince sous ses pieds et très vite elle finit par se retrouver devant une porte qui lui était inconnue, une porte qu'elle n'avait jamais vu, jamais imaginée et encore moins poussée. La porte est entrouverte et une voix s'échappe de la pièce.
Mélusine avance très calmement et pousse la porte, c'est une grande pièce qui s'offre à elle, le bois est vieux et grisâtre, par une toute petite lucarne arrive quelques faibles rayons de soleil. Il y a là tout un bric-à-brac qui s'entasse du sol au plafond : de vieilles malles, des coffres, des poupées de procelaines, d'autres en tissu, des jouets de n'importe quelle forme, des violons, des flûtes, un vieu piano, des chaises, des sacs en paille, des chapeaux, de vieilles robes poussiereuses ou encore d'autres trucs plus ou moins utiles qui jonchent le sol et les murs.
Mélusine avance lentement, surtout ne pas faire de bruit. Lorsqu'elle tourne la tête, elle découvre une fillette ... enfin, si c'est bien une fillette. Elle lui fait dos et a des cheveux blonds et ondulés. Elle est debout près d'un vieux rocking-chair, enfin ... si c'est un rocking-chair ... Elle reste debout immobile dans l'obscurité, pas paniquée le moins du monde par la clarté sombre de la pièce ou par le silence opressant. Quelque chose ne tourne pas rond et Mélusine le sent, elle reste éloignée de la petite blonde devant elle, cette enfant n'est pas normale.

*Ne restes pas plantée là ! Và vers elle, et amuses-toi un peu !*

Mélusine secoue la tête et ses cheveux balaient son visage avant de retomber sur ses joues dans un minuscule bruit à peine audible. Mais la fillette tourne la tête, ses grands yeux bleus brillent d'une couleur effrayante qui rend son regard inhumain ou bien juste meurtrier. Son corps se tourne pour faire face à Mélusine et elle avance vers la jeune fille.
Un pas ... Mélusine sent que tout va très mal se passer. Deux pas ... La fillette dessine un sourire inquiétant sur son visage d'ange puis elle fait un troisième pas ... Elle se trouve à au moins un mètre de Mélusine et elle tend sa main pâle en disant :

- Sais-tu de quelle couleur sont les trèfles ?

Mélusine ne répond pas, la fillette pose une question plutôt étrange. La jeune fille déplace alors son regard sur le corps de l'enfant, elle est petite mais ses vêtements amples empêche de distinguer sa poitrine de son dos. Mais une si jeune enfant n'a pas de poitrine ... Mélusine n'avance pas, elle reste immobile car cette petite est bien étrange et elle ne lui inspire aucune confiance. Mélusine tente d'ouvrir la bouche, mais pourquoi ? Que veut-elle dire ? Pour finir, elle avance d'un pas vers la fillette et dit :

- Et toi le sais-tu ? Les trèfles sont verts n'est-ce pas ?

La fillette baisse sa main et secoue la tête comme pour dire non. Mélusine ne peut s'empêcher de regarder ses yeux bleus profonds et inquiétants, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez cette enfant, mais elle ne saurait dire quoi. Mélusine se penche un peu pour voir ce visage étrange de plus près, ses cheveux blonds glissent de ses épaules et pendent dans le vide, elle se surprend soudain à vouloir prendre la main de la fillette, mais une autre envie la pousse à la prendre dans ses bras et la jeter par la lucarne. Néanmoins, sa raison lui dit qu'elle ne doit pas le faire et qu'il vaudrait mieux qu'elle ne touche pas la fillette avant qu'elle n'ait retrouvé un aspect normal.
Mais une sorte de colère passe furtivement sur la visage de la fillette puis, elle se remet à sourire diaboliquement comme si elle n'avait rien dit, puis, discrètement, la petite main saisit un tournevis qui traînait et dit :

- Non, il sont rouges ! Comme le sang ! Regardes !

Et d'un bond, elle fondit sur Mélusine qui eut le temps de parer le coup, reconnaissant la lueur de folie meurtrière au coeur des jolis yeux de l'enfant, mais celle-ci ne s'avoua pas vaincue ...

« Sais-tu de quelle couleur sont les trèfles ? »
« Et toi le sais-tu ? Les trèfles sont verts n'est-ce pas ? »
« Non, il sont rouges ! Comme le sang ! Regardes ! »

Oh oui regardes bien parce que tu ne pourras plus admirer cette rougeur après. Regardes Mélusine, admires, vénères ! La Reine est réveillée et tu ne pourras pas lui échapper. Toi, pauvre As, toi, esclave de sa majesté, tu ne peux rien contre le monstre, la Reine, la Déesse de ce monde on l'on ne parle pas, la furie ... Personne ne peut rien contre elle. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils l'ont envoyé dans cet asile, parce que personne ne peut l'arrêter. Personne. Pas même un As, pas même un Roi, de toute manière elle n'en a pas, pas même un Valet, de toute manière elle n'en a plus ... Rien.
Cette phrase qu'elle avait tant dite, cette seule phrase qui donnait naissance à la terreur, elle aimait tellement la prononcer. Pour elle les Trèfles sont rouges, ça tout le monde le sait. Mais personne ne sait pourquoi. Elle, elle le sait. C'est tout se qui compte non ? Savoir la source de son malheur, l'assumer. Certain ne l'assume pas, certain renie. Renier pour mieux souffrir ... Pathétique !
La Reine se jète sur l'As mais celui-ci est plus rapide qu'elle et voilà qu'elle le loupe. Mélusine va lui donner du fil à retordre ! Pour une fois que c'est difficile, oh pour une fois ! D'habitude ils se laissent tous avoir par son visage d'ange et ses yeux étrangement foncés, la jeune fille ne c'est pas faite avoir, elle. Quand la blondinette se rend compte qu'elle vient de louper sa cible, elle se retourne, son sourire toujours pendu à ses lèvres fines et roses comme les poupée de porcelaines puis elle regarde l'As qui lui fait face.
Elle n'avait pas pris le temps de la regarder. Elle était belle, grande, blonde, et des yeux magnifiques. On aurait dit l'une de ces jeune femme sur les pages de publicités qui tentent de vendre des produits qui, d'après l'écriture, vont permettre aux soldats de remporter la Guerre. Une fille digne d'être placardée partout dans les rues. Magnifique. Une pointe de jalousie s'empara de la fillette, elle voulait devenir comme elle. Mais si elle voulait être comme elle, il ne fallait pas qu'elle la tue. Se serait son nouveau Valet. Ou plutôt son As. Un As plein de grâce et je beauté. Oui, elle partagerait son monde et l'aiderait à trouver des Trèfles rouges, juste elle et personne d'autre.

Et laissa tomber le tournevis et s'avança lentement, très lentement vers Mélusine. Pour ne pas l'effrayer diriez vous ? Mais c'était plutôt parce qu'elle avait peur qu'en s'approchant trop rapidement sa beauté s'évanouisse. La beauté est éphémère, c'est se que lui a toujours dit sa mère. Il faut la cultiver tous les jours quand on commence à vieillir. Elle, elle n'avait pas besoins de cela pour l'instant. Elle était jolie et puis c'est tout. Mais un jour elle ne le serait plus.

« Tu es mon As à moi. S'il te plait, restes près de moi ... »

On avait toujours l'impression que ses yeux n'étaient qu'un vaste océan, profond, mais son sourire sadique avait disparu. Il avait laissé place à cette expression si neutre dont elle avait le secret. Plus rien ne paraissait sur son visage enfantin et dans sa tête, des images se bousculaient. Elle revoyait le dernier Trèfle qu'elle avait tué. Il était seul derrière une maison et elle venait de trouver un ciseau rouillé dans un champs. Machinalement, elle fonça sur lui rapidement mais sans bruit et elle lui transperça le dos. Le sang gicla, l'homme n'eut pas le temps de crier que déjà il rendit son dernier souffle. Il n'avait rien demandé, probablement rien fait de mal non plus mais il lui fallait un Trèfle, un coupable, une victime, un mort, un cadavre, le mal sur la pureté.
En parallèle, elle revoyait cette femme qu'elle avait voulu tuer mais en vain, elle l'avait perdue. Elle avait tourné à un coin de rue puis ... Plus rien. Puis c'était son père qu'elle avait trouvé et elle était redevenue la petite fille créative et à la limite l'autisme qu'elle avait toujours été.

« Tu veux bien m'aider à trouver un Trèfle rouge ? Maman dit que c'est mal mais elle m'a laissé ici alors je vais lui désobéir. »

Oh oui, c'est très mal petite Nastassia mais quand la Reine a faim, on se doit de s'exécuter sans riposter ou alors de lui trouver une autre distraction ...
Cherches Mélusine, cherches ...

Mal ? En quoi offrir une autre vie représentait le mal ? Qui a décidé que ce serait dans ce sens là : offrir la mort c'est mal et offrir son cœur c'est bien ?
Mélusine se penche vers la fillette, elle qui à l'instant paraissait si dangereuse, a un air si mignon et inoffensif que Mélusine ne peut s'empêcher d'admirer. Nastassia est très jolie, bien plus que n'importe quelle enfant que vous auriez pu voir, une pure beauté pour son âge : les cheveux blonds mais pas trop longs, juste comme il faut., ses grands yeux bleus qui sont si lunatiques, son sourire chaleureux qui pouvait se changer en un tout autre totalement sadique et glacial. C'est une enfant qui abrite en elle le mental d'une adulte, enfin ... parfois. Comment se changer en adulte à 10 ans ? Il faut la comprendre.
Mélusine s'agenouille, regarde la petite dans les yeux et lui sourie, elle se relève et fait une révérence gracieuse tout en disant :

- Avec plaisir, ma Reine ... Je vous suivrais jusqu'au bout du monde.

Quel revirement de situation, qui pouvait imaginer que cette adolescente s'inclinerait ainsi devant une si petite fille qu'elle venait à peine de rencontrer et qui avait tenter de l'assassiner ?
Mélusine se relève, juste pour admirer le sourire angélique de sa Reine. Nastassia tend sa petite main blanche, elle sourit de plus en plus. L'As prend la main de le Reine et s'agenouille pour la regarder dans les yeux. Voilà que tout à coup, Nastassia l'attrape par les cheveux et lui plaque un couteau, qu'elle cachait sous sa robe, sur sa gorge. La voix de l'enfant devient menaçante, Mélusine ne gigote pas, elle la tuera si elle le fait. Non, il suffit de rester calme.
Elle a prévu que cela arriverait à un moment comme à un autre ... Tout est prévu. La Reine est une enfant, si jamais elle tente quoique ce soit, Mélusine saura quoi faire ! N'est-elle pas plus forte que cette petite fille au corps maigre et fragile ? Possible ... Étrangement, elle ne bouge pas, il ne faudrait pas qu'elle se jette dans la gueule du loup. Et puis, c'est une fillette, il n'y a pas de raison pour qu'elle mette son plan à exécution, enfin ... quand même, elle devrait trouver ce qu'elle va faire, et plus vite que cela. Doucement, elle cesse de paniquer, la Reine n'a aucune raison de se débarrasser de cet As dont elle aura sûrement besoin.
De là où elle se trouve, Mélusine est juste sous la lucarne, elle tente d'imaginer un plan pendant le temps qu'il lui reste. Elle pourrait attraper les poignets de l'enfant et la faire basculer par dessus son épaule ! Non, trop risqué, elle pourrait lui trancher la gorge avant qu'elle n'ait eu le temps d'essayer. Ou alors, tomber en arrière en maintenant le couteau loin d'elle ! Non, ça aussi c'est une assez mauvaise idée.
Un plan viiiiiite !
Alors que la panique refait surface, Mélusine entend Nastassia reprendre :

- Tu ne me trahira pas hein ? Si tu me trahis, je devrai me résigner à perdre un deuxième Valet ...

Puis, le couteau s'éloigne au grand soulagement de l'otage qui essuie son front et s'agenouille à nouveau. Elle jure sur tout ce qu'elle peut, que jamais elle ne trahira sa Reine ou sinon, elle sera condamnée à errer dans les limbes de l'enfer pour l'éternité. Sans plus jamais voir une once de bonheur dans sa vie ... ou dans sa mort ...
Après tout, n'est-ce pas l'ordre naturel des choses ? On va tous mourir un jour ! Qu'importe si c'est aujourd'hui ou demain ? Qu'importe si c'est dans une semaine ou dans une cinquantaine d'année ?
Et si l'As n'était pas fait pour être plus fort que sa Reine ?

« Avec plaisir, ma Reine ... Je vous suivrais jusqu'au bout du monde. »

Inconsciente, innocente, folle, maso, méchante, sado, sadique, je ne pense pas qu’il y ait de mots plus mélioratifs pour la décrire. Comment accepter un marché avec l’enfant quand on est quelqu’un de … Mentalement stable ? Personne ne fait ça, c’est impossible. Pourtant vous ne rêvez pas, Mélusine à « signé » le contrat. Petite Nastassia, tu viens de trouver ton valet, tâches de ne pas le tuer cette fois ci … Se serait vraiment dommage !
La blondinette détail la jeune femme de ses yeux bleus océans : blonde, grande, des yeux bleus très foncés qui lui faisaient penser au ciel vu du fond d’une forêt. Elle était belle, vraiment.

« Tu ne me trahiras pas hein ? Si tu me trahis, je devrai me résigner à tuer un deuxième valet … »

Un ton si innocent qu'on a l'impression qu'elle ne comprend pas réellement se qu'elle dit. Et si elle ne comprenait vraiment pas ? Bien sur qu'elle comprend, elle est folle, c'est vrai, mais elle est totalement consciente. Elle sait très bien se qu'elle fait et elle aime ça, elle aime soumettre les gens à sa volonté. Si Mademoiselle a décidé que tu dois mourir alors tu vas mourir. C'est comme ça, c'est toujours comme ça de toute manière. Parce que Nastassia est une Reine, parce qu'elle veut voir des trèfles rouges et qu'elle ne s'arrêtera pas là. On dit qu'il est impossible ou presque pour un drogué d'arrêter la drogue, pour un alcoolique d'arrêter de boire, pour un geek d'arrêter de cliquer dans le vide, pour un fumeur de se passer de sa nicotine ... Ici, il est impossible que Nastassia arrête de donner la mort au premier venu. Après tout, c'est devenu une drogue, une sorte de passe temps, une activité à temps complet. Dés qu'elle se réveille, elle part chasser, c'est une habitude comme aller aux toilettes en se levant, se laver les mains en sortant, se mordre la lèvre lorsqu'on cherche un mot, quelque chose qu'elle ferrait inconsciemment. Alors tu peux jurer tout se que tu peux Mélusine, si jamais elle décide un jour de te tuer, tu y passeras et tu ne pourras pas l'arrêter. Jamais. Tu vas me dire qu'il ne faut jamais dire jamais ? Et bien dans cette situation saches que le dicton ne s'applique pas. Oh non ! Un jour elle se réveillera et l'envie de tuer prendra le dessus, comme toujours, tu seras la première personne, malchanceuse, qu'elle croisera et ... Tu mourras.
Cruel destin ? Oui je crois aussi ! Mais tu n'as pas le choix, tu as signé. Une promesse est une promesse petit As ...

Pendant quelque seconde, Nastassia reste sans bouger, elle regarde Mélusine lui promettre que jamais elle ne la trahira, un léger sourire se dessine sur ses jolies lèvres blanches puis elle cligne des yeux et lorsqu'elle les rouvre ils sont à nouveau bleu comme le ciel. La Reine retrouve son royaume et ses serviteurs. Elle ne comprend pas se qu'elle fait au milieu de la pièce. Son premier réflexe est de regarder sa boite restée ouverte, crayons et feuilles à côté. Son visage a reprit quelques couleurs et on peut lire dans son regard une once de surprise. Comment est-elle arriver là ? Elle se souvenais de ce nuage qui avait cacher le soleil et qu'elle avait tout poser pour se reposer quelques secondes ou minutes tout au plus, le temps que le nuage soit passé puis après ... Trou noir. Et puis tout à coup elle se réveille avec la sensation bizarre d'avoir fait quelque chose de mal, comme à chaque fois. Comme si pendant son sommeil elle avait ... Elle n'a pas de mot pour décrire se qu'elle ressent. Ses serviteurs ne comprennent pas non plus. C'est la panique au château, tout le monde court dans tous les sens. Des fenêtres sont cassées, qui a pu faire ça ? Il y a un trou d'au moins trente minutes si ce n'est pas une heure ! Que s'est-il passé durant toutes ces secondes ? Les serviteurs sont affolés, et si la Reine comprenait se qu'il c'était passé ? Si elle comprenait que le château avait été cambriolé ? Oh non il ne faut surtout pas qu'elle comprenne sinon ils seront tous mort d'ici trois minutes !
Pour l'instant, Nastassia ne comprend pas se qu'il se passe, elle regarde sa main qui est serrée autour de quelque chose de froid, de l'acier. Ses yeux s'écarquillent et elle se rend compte qu'elle tient un couteau et qu'il a entaillé sa petite main à la peau si blanche qu'elle en devient translucide. La blondinette lâche le couteau qui se plante dans le sol, ses bras pendent de chaque côté de son corps, frêle. Ses yeux sont braqués sur le liquide rouge qui coule de sa main blanche. L'image du rouge sur le blanc lui rappelle quelque chose mais elle n'arrive pas à se rappeler de quoi ... Encore ces trous noirs ... Tant pis. Elle relève la tête et regarde la jeune fille qui est en face d'elle, elle ne l'a jamais vu ... Pourtant elle la regarde comme si elle voulait lui venir en aide. Nastassia ne pleure pas, elle ne pleure jamais en présence d'inconnu. C'est comme ça, pourtant les larmes se battent pour passer les frontières interdites. Elle a si mal, ce picotement ... Elle n'aime pas ça.

*Qu'est ce que je fais avec ce couteau ? Qu'est ce qu'il c'est passé ? Je ne comprends pas ... J'ai mal, si mal ... Et qui est cette fille ? Pourquoi est-ce qu'elle me regarde de cette manière ?*

Elle ne veut pas lui parler parce que de toute manière ... Oui on connait le refrain, Nastassia ne parle pas parce que de toute manière ça ne sert à rien, parler ne sert à rien. C'est bon, ça va aller, on va s'en souvenir ! Oui mais là ... Elle ne lui donne pas envie de parler à la regarder de cette manière. Pourtant il le faut si elle veut savoir qui elle est. Elle ouvre la bouche et sa petite voix d'enfant, mélodique et douce, emplit le grenier.

« Qui es-tu ? »

« Qui es-tu ? »

Mélusine fut surprise par cette question. Le ton qu'elle employa pour la poser était plus doux, plus timide. Ses yeux étaient différents. Elle comprit qu'elle n'avait plus la même personne en face d'elle ... L'enfant qui lui parlait n'était pas la Reine de Trèfle, c'était Nastassia Eloane Bukovski. C'était une personne que Mélusine n'avait pas encore rencontré, elle ne connaissait pas la fillette, en revanche, elle connaissait l'autre, la sadique. C'était une personne différente. Totalement différente … Avec douceur, Mélusine s'agenouilla en face de l'enfant et lui tendit une main, comme pour tester sa confiance. Mais la fillette n'en avait plus à son égard, elle fixa cette main hébétée, comme si elle la menaçait. Ses yeux paniqués regardèrent d'abord le visage de son interlocutrice, puis la main qu'elle lui tendait. Elle reprit, encore et encore. Une petite peur s'éprit de son corps fragile et elle fit un pas en arrière.

« N'aies pas peur ! Je ne te veux aucun mal. Je m'appelle Mélusine. »

Mais les paroles pourtant douces et rassurantes de la jeune fille ne firent pas changer d'avis l'enfant. Cette main qu'elle lui tendait ne semblait en rien menaçante … mais que pensait-elle, la jeune blondinette qui paniquait silencieusement ? Mélusine avait vu le caractère de la Reine et maintenant, elle tentait d'analyser celui de Nastassia. D'après les première impressions, elles n'avaient strictement rien en commun. La Reine avait ce côté sadique propre à une célèbre reine d'une vieille histoire anglaise … Comment s'appelait-elle déjà ? Mélusine avait beaucoup lu, et elle ne faisait pas attention aux livres connus ou aux inconnus, elle parlait souvent de livres que personne ne connaissait, c'était bien simple : elle passait son temps libre à lire. Il n'y avait pas grand chose à faire dans cet asile et la moindre lecture était la bienvenue. Elle hésita … ne serait-ce pas la Reine Rouge d'Alice aux pays des merveilles ? Probablement. Pour Nastassia, c'était très différent : cette enfant était aussi fragile qu'un oisillon venant de naître. Mélusine tenta une dernière fois de rassurer l'enfant :

« Tu n'a rien à faire dans cet endroit, n'est-ce pas ? Tu es trop jeune pour être seule dans un endroit aussi effrayant. Moi aussi, je ne sais pas ce que je fais là, j'ignore absolument le pourquoi et le comment. J'ai besoin de quelqu'un ici … j'ai besoin d'une amie. Toi aussi non ? »

[i]Sa main s'approcha une nouvelle fois vers la fillette. Une main suppliant qu'on la prenne, qu'on lui fasse confiance. Nastassia regarda la jeune femme : ses yeux semblaient parler ou raconter une quelconque histoire. Des yeux tristes et d'un bleu sombre. Puis elle posa son regard sur sa main, les fines moulures de ses doigts fins et pâles, les sillons des cellules de sa peau, un grain de beauté sur le poignet, une cicatrice sous l'annulaire semblable à une coupure. Pourquoi lui ferait-elle confiance ? Pourquoi baisserait-elle sa garde ?

Une main blanche, comme celles de ces petites poupées de porcelaines que sa maman lui montrait dans les magasins. Elle en demandait toujours une mais l'autorité maternelle refusait car elle disait toujours que sa petite fille n'était pas assez soigneuse pour avoir une poupée aussi fragile. Alors à chaque fois que la petite blonde passait devant une de ces poupées elle rêvait d'en avoir une et c'est ainsi qu'elle pouvait rester dix minutes devant une boutique à admirer la jolie frimousse d'une poupée drapée avec une robe blanche en fine dentelle. Mélusine ressemblait à l'une d'elle. Elle était aussi pâle, et sa peau était aussi lisse que la porcelaine. La voir ainsi devant elle troubla l'enfant qui ne laissa, néanmoins, rien voir. Toujours garder une expression neutre, les autres ne doivent rien déceler dans son regard, dans son sourire, dans l'expression de son visage. Sa peau ne doit ni rougir ni blanchir, ses yeux ne doivent ni s'éclairer ni se ternir. En bref elle ne doit jamais rien montrer. Il n'y a que dans sa tête qu'elle se permet d'éprouver des sentiments, penser librement, avoir des impressions. Ceux qui l'entourent n'arrivent jamais à savoir exactement ce qu'elle pense à tel ou tel moment et rares sont ceux qui peuvent entendre le son de sa voix. Mélusine est donc chanceuse vous direz-vous ? Elle a entendu parler Nastassia sous ses deux personnalités, l'une plus que l'autre il va de soit ! La Nastassia … Comment la qualifier ? Violente ? Non pas violente si elle se sent en sécurité, ce qui ne lui arrive pratiquement jamais, elle peu rester très posé. Elle est plutôt intrépide et dangereuse. Surtout dangereuse en réalité. Mais si vous ne lui avez jamais rien fait, même jamais rencontré elle est capable de vous tuer. C'est surement ce qu'elle aurait dû faire avec Mélusine mais elle ne l'a pas fait parce que c'est son As.
Et puis la jeune femme a eu la chance d'entendre la jolie voix mélodieuse de la vraie Nastassia. Celle qui pense que parler n'a aucun intérêt parce que de toute manière les Hommes n'écoutent jamais leurs congénères. Ils vivent dans le stresse, la précipitation et ne prennent le temps de rien. C'est pourquoi elle a cessé de parler il y a bien longtemps.
Soudain, la grande blonde s'agenouilla devant elle, coupant le court de sa pensé et recula de quelques pas, sans montrer la moindre émotion. Enfin, c'est ce qu'elle voulait mais le sursaut que fit son corps lorsqu'il senti la chaleur d'un autre près de lui la trahit. Son corps trahissait toujours son esprit par des contractions de ses muscles qui montraient bien qu'elle ressentait quelque chose en réalité. C'est pourquoi plus elle approchait sa main plus la fillette reculait. Elle fixait la main blanche en se concentrant sur la paume pour ne pas être surprise de la voir avancer. Lorsque la blonde parla elle leva lentement la tête vers ses lèvres afin de regarder les mots franchir sa fine bouche.

« N'aie pas peur ! Je ne te veux aucun mal. Je m'appelle Mélusine. »

Mélusine ? Ce nom lui disait quelque chose … Mais qui était-elle ? Elle chercha jusqu'au plus profond d'elle même mais ne trouve rien. Rien qui ne puisse lui dire qui était cette jolie jeune femme qui semblait pourtant la connaître. Nastassia avait remarqué l'air étonné qui avait traversé le visage de la dénommée Mélusine lorsqu'elle avait demandé son identité, comme si elle c'était déjà présentée et que elle aussi lui avait donné son nom. Elle voulait en savoir plus mais elle n'avait pas envie de parler … C'est alors que la jeune femme se remit à parler après un silence qui sembla à la petite fille une éternité.

« Tu n'a rien à faire dans cet endroit, n'est-ce pas ? Tu es trop jeune pour être seule dans un endroit aussi effrayant. Moi aussi, je ne sais pas ce que je fais là, j'ignore absolument le pourquoi et le comment. J'ai besoin de quelqu'un ici … j'ai besoin d'une amie. Toi aussi non ? »

Une amie ? Depuis combien de temps n'avait-elle pas pu poser ce titre sur quelqu'un ? Depuis la mort de Milena probablement … C'était d'ailleurs depuis là qu'elle ne parlait plus parce qu'elle n'avait plus personne pour parler. Elle se sentait tellement bien avec cette petite fille … Et puis elle était différente, elle restait près d'elle alors que les autres la fuyaient comme la peste. Nastassia avait toujours détesté l'école à cause de cela. Alors Lena, ce n'était pas pareil. C'était la seule. Elle lui avait promis le jour où on l'avait mise dans cette boite sous la terre. Mais cette fille … Elle lui donnait envie de prendre sa main, néanmoins elle continuait à réfléchir sans bouger. Tant qu'elle n'aurait pas fait la part des choses elle ne tendrait pas son petit bras blanc.
Elles restèrent ainsi, Mélusine la main tendue et Nastassia les bras le long du corps pendant au moins cinq minutes. La fillette détaillait son aînée du regard, elle tentait de lire en elle, puis au bout d'un moment une question lui vient en tête. Soudain la Reine se fichait du silence, de toute manière elle lui répondrait, elle le savait. Alors elle posa sa question :

« Est-ce que vous connaissez mon prénom ? Puis ne la laissant pas répondre ajouta : Excusez moi de vous poser cette question mais … Est-ce qu'on est … Amie ? »

Le mot lui sembla bizarre dans sa tête pourtant lorsqu'il franchit ses lèvres il lui sembla que tout son corps venait de se décontracter. Elle se sentie libérée. Merci Mélusine, As de Nastassia mais aussi amie. A tes risques et périls ma chérie !
La fillette leva lentement son petit bras et posa sa main blafarde dans celle de la jeune femme qu'elle sentie frémir. Nastassia avait la peau très froide, comme celle d'un corps sans vie … Puis plongeant ses yeux bleus clairs dans ceux, tout aussi bleus, de Mélusine elle déclara :

« Je crois que … Hum … Tu ? As raison. J'ai besoins d'une amie. »

« Est-ce que vous connaissez mon prénom ? »

Mélusine ouvrit la bouche, voulant lui répondre d'une voix douce et chaleureuse que oui, elle connaissait son prénom. Mais l'enfant ne lui laissa aucunement le temps de répondre, elle se remit à parler.

« Excusez-moi de vous poser cette question mais … Est-ce qu'on est … Amie ? »

« Bien sur … Bien sur qu'on est amie. » répondit Mélusine avec un sourire.

Puis elle vit le bras de Nastassia se lever peu à peu et avec une extrême douceur, elle déposa sa main dans la sienne. Un frisson parcourut Mélusine à ce contact particulièrement glacé, la peau délicate de la fillette glissa sur la sienne et lorsque cette petite main s'arrêta, elle referma ses doigts dessus avec douceur, de peur de lui faire mal. On aurait dit une jeune fille tenant la main de sa petite sœur. Comment cette petite fille pouvait-elle être aussi gelée ? Était-elle malade ? Probablement pas. Elle semblait en excellente santé (si on oubliait sa schizophrénie et son autre personnalité un tantinet violente). Sa peau était si blafarde qu'on aurait cru voir un fantôme ou un cadavre revenant d'entre les morts. Seules ses joues étaient un peu rosées, comme si c'était les seuls endroits où son sang circulait. Ses grands yeux ressemblaient à ceux de la jeune femme, mais ils étaient encore plus profonds : deux océans clairs et calmes, à vous en décrocher une larme ! Elle était de loin la plus jolie de toutes les fillettes, sa peau était lisse et sa couleur ne dérangeait personne puisqu'on ne faisait plus attention qu'à ses magnifiques pommettes et ses grands yeux couleur ciel.

« Je crois que … Hum … Tu ? As raison. J'ai besoin d'une amie. »

Elle sentit la petite main serrer la sienne pour elle ne sait quelle raison. Ce fut comme si un lien fort se tissait entre les deux personnes, comme si une véritable tension de plusieurs millier de volts se dressait entre elles … entre deux mains serrées l'une dans l'autre. Mélusine resta agenouillée pour regarder attentivement la fillette, elle cru voir un sourire se dessiner sur ce petit visage. Un sourire qui lui donna envie de le faire à son tour, elle passa ses doigts doucement sur le dos de cette main blafarde. L'occasion se présenta à elle, une belle occasion de parler avec sa reine, de savoir quelque chose de plus sur elle.

« Et si on parlait ? Tu veux bien me parler de toi, Nastassia ? »

La main pâle restait immobile dans la sienne. Ce petit moment semblait si tendu. Elle comprit que Tassia ne voulait pas parler de ce boulet que chacun traîne derrière soi, ce boulet marqué au fer rouge des lettres suivantes « Passé ». Elle la regarda patiemment dans les yeux, attendant un moment de faiblesse de la part de l'enfant, le moment qui lui permettrait d'en savoir plus. A trop jouer avec le feu, on se brûle !

« Bien sur … Bien sur qu'on est amie. »

Amie … Alors elle avait remis ça … Cela voulait dire qu'un jour Mélusine mourrait. Tout comme Miléna était morte … C'était une des principales raisons pour laquelle Nastassia ne cherchait pas le contact avec les autres enfants de son âge. A partir du moment où elle tenait à quelqu'un, cette personne mourrait, comme ça, brusquement, sans qu'elle n'ait le temps de comprendre la cause de ce malheur. Alors elle c'était encore plus refermée sur elle même. Elle ne parlait plus du tout, c'était d'ailleurs pour cela que sa mère avait pensé que sa déchéance venait de la mort de son amie. Mais en réalité elle ne datait pas de là. Léna n'avait été qu'une infime cause. Si on pouvait parler de cause. Elle n'avait jamais vraiment parlé avec les autres enfants de son âge. Elle les trouvait tous bêtes à pleurer pour un ridicule ours en peluche ou un vulgaire morceau de plastique … Une amie … Ouah ! Bonne chance Mélusine !

La jeune femme tient doucement sa main dans la sienne en la détaillant d'un regard insistant. Comme si elle tentait de la percer à jour, là, au milieu de ce grenier poussiéreux, si poussiéreux que la lumière semble avoir bien du mal à passer à travers le verre pourtant fin de la fenêtre. 'Tassia n'aime pas ça. Même une amie n'a pas le droit de la regarder de cette manière. Elle n'a pas l'habitude de raconter ce qu'elle ressent, ce qu'elle pense, ou même de tenir une conversation des plus normales avec quelqu'un. Elle ne partage jamais rien. En fait si, elle partage quelque chose avec quelqu'un, elle partage son corps et son esprit. Mais son âme lui appartient, elle n'est qu'à elle. Sa deuxième personnalité n'a pas d'âme, de toute manière cela se voit. On dit que les yeux sont le reflet de l'âme, et bien quand ses yeux passent du bleu ciel au bleu océan on voit immédiatement que son âme s'efface. Ils perdent ce scintillement propre à l'âme, c'est son seul moyen, en quelque sorte, de dire “Je suis là ! Ne vous inquiétez pas, elle n'est pas un monstre.” Non elle n'est pas un monstre, elle est même délicate et fragile, elle a besoins qu'on s'occupe d'elle parce qu'elle est très seule et elle l'est d'autant plus entre ces murs. Comment peut-on être seule alors que l'asile héberge une centaine de personnes, me direz-vous ? Et bien il suffit d'ignorer totalement ces personnes ou de leur faire peur … Peur au point de faire naitre un sentiment de mal-être en la présence de l'enfant. C'est d'ailleurs le sentiment que Mélusine a ressenti au début, mais elle a été plus intelligente que les autres ou alors elle l'a mieux observé et c'est dite que dans un si petit corps il ne pouvait y avoir qu'une bonne âme.
Nastassia se sent perdu, Mélusine caresse sa main, soudain une envie lui prend … Elle a envie de sourire. D'habitude elle s'en serait empêcher mais après tout, cette fille est différente. C'est pourquoi un très léger sourire, pourtant bien là, se dessine sur ses petites lèvres blafardes. C'est peut-être ce sourire qui donne le courage à la blonde pour poser la question qui la titille depuis la première seconde à laquelle elles se sont rencontrées ...

« Et si on parlait ? Tu veux bien me parler de toi, Nastassia ? »

Où est-ce que tu veux en venir Mélusine ? Tu veux savoir n'est ce pas ? Tu veux savoir pourquoi tu viens de voir deux personnes totalement différentes dans un même corps ? Tu veux connaître le secret que seul une personne détient ? Et bien pour cela il va falloir qu'elle te déteste, or, c'est totalement de contraire qui est en train de ce produire. Elle t'adore, elle te vénère secrètement, l'autre veut te tuer au moindre soupçon de trahison, l'autre te déteste inconsciemment. En fait il faudrait l'inverse mais seulement à moitié parce que l'autre n'aime personne et elle n'aimera sans doute jamais personne. Tu vendrais ton âme au diable pour savoir n'est-ce pas ? Et bien le diable n'en voudrait même pas parce que je reste persuadée qu'il ne voit pas l'intérêt de cette merveille qu'il surnomme chose. Non, tout ce que tu sauras pour l'instant : de la banalité.
Nastassia se tend, retire sa main et s'assied en tailleur sur le sol. Elle attrape celle de Mélusine et la tire vers le bas pour qu'elle aussi s'installe sur le bois du grenier. Puis regardant son amie avec une moue elle déclare d'une petite voix mal assurée :

« Tu veux parler de moi ? Il n'y a pas grand chose à dire tu sais … Je suis née en Russie, mon Papa est un soviet et ma Maman est Irlandaise. Ils se sont rencontrés pendant la Première. Jusqu'à la Deuxième je vivais près de Moscou mais ensuite nous sommes allés à Dublin, c'était préférable. Elle marque un temps, les images lui donnent envie de pleurer, les fameuses images révélatrices du secret que tu veux connaître Mélu', puis elle se reprend et continue. Sinon je suis plutôt douée pour le dessin, je cherche beaucoup la solitude et Maman dit souvent que je suis associable depuis que Miléna est morte … J'avais cinq ans, je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé. Hitler m'insupporte et … Je suis Schizophrène. »

Elle soupire, un long soupire pour exprimer la profondeur de ce sentiment étrange : la honte. La honte d'une maladie qui lui fait peur et dont elle ne connait l'étendue du pouvoir, destructeur.

« Tu veux parler de moi ? Il n'y a pas grand chose à dire tu sais … Je suis née en Russie, mon Papa est un soviet et ma Maman est Irlandaise. Ils se sont rencontrés pendant la Première. Jusqu'à la Deuxième je vivais près de Moscou mais ensuite nous allés à Dublin, c'était préférable. »

Tassia marque une pause. Mélusine la dévisage sans trop insister, pour ne pas presser la fillette dans son récit. Elle regarda doucement ses yeux tristes qui regardent vers le sol. Nastassia semble si triste et Mélusine se demande bien pourquoi. Il est vrai qu'à force de se poser des questions, la jeune Mélu' finira par s'attirer des ennuis mais elle préfère parler au présent ça lui donne l'impression d'être maître de la situation. Doucement, elle entend, pendant la courte pause de son interlocutrice, la voix familière de Mariechen qui parle encore et encore. Une vraie pipelette celle-ci ...

*Tu vois bien que cette gamine est folle ! Elle te tuera quand elle en aura envie, tu le sais bien. Pourquoi t'entêtes-tu à toujours me contredire ? Je dis ça pour ton bien !*

*Tu vas te taire oui ? Tu es insupportable quand tu t'y met ! Tes conseils ne m'attirent que des ennuis !*

*Tu t'attires des ennuis toute seule ! Oh et puis je me tais, puisque tu es si sûre de toi !*

*A la bonne heure !*

La fillette ne remarque pas l'air songeur de Mélusine, comme si elle discutait avec quelqu'un. Puis, dés qu'elle se reprend, la plus âgée en profite pour faire de même et elle regarde l'enfant reprendre :

« Sinon je suis plutôt douée pour le dessin, je cherche beaucoup la solitude et Maman dit souvent que je suis associable depuis que Miléna est morte … J'avais cinq ans, je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé. Hitler m'insupporte et … Je suis Schizophrène. »

Cette dernière révélation n'en est pas vraiment une. Mélu' a bien remarqué depuis un petit moment que l'enfant n'était pas seule dans son enveloppe. L'esprit de Mélusine se tourne et se retourne dans sa tête, comme en conflit avec lui même. Il semble se battre et bientôt la jeune fille entend le bruit du tonnerre :

« Tiens, il y aurait de l'orage. La pluie mouille, il vaudrait mieux rester ici. »

(HRP : Cette dernière phrase montre que Mélusine commence à retomber un peu ... ^^ C'est dans la liste de ses symptômes !)

« Tiens, il y aurait de l'orage. La pluie mouille, il vaudrait mieux rester ici. »

'Tassia, surprise, recule … Pourquoi la jeune femme lui parle t'elle d'orage et de pluie alors qu'aucun des deux ne semble s'annoncer ? Elle regarde à nouveau la petite lucarne, seule source de lumière du grenier et se rend compte, qu'en effet, le soleil persiste toujours à pénétrer en travers de cette couche épaisse de poussière. Le ciel ne semble pas sombre, bien au contraire, et, pas le moindre du monde, l'orage ne semble pointer le bout de son nez. Elle regarde Mélusine comme si elle sortait tout droit d'une soucoupe volante rose fluo à pois bleus cerises ! Sur le coup elle se tait, la blonde semble vraiment y croire, elle a même cette moue dubitative qui semble dire quelque chose comme “Zut, il ne faudrait pas que je retourne dans ma chambre mouillée !”. Mais Mélusine, il n'y a pas besoin de sortir pour retourner à nos chambre. Et puis si il y avait réellement de l'orage … Nastassia ne serait pas aussi tranquille. Elle déteste l'orage comme certain déteste les araignées. Cella à toujours été ainsi. Depuis toute petite elle se sent comme oppressée, étouffée, haletante durant les heures, les minutes, les secondes où le ciel se déchire et laisse éclater des grondements et des flash de lumière. Pourquoi ? Est-ce que je vous demande l'heure moi ?
La blondinette, toujours assise en tailleur, avance doucement sa main blanche vers celle, guère plus colorée, de Mélusine. Le contact chaud de sa partenaire la fait frémir, elle n'est plus habituée à cette chaleur corporelle. Elle n'osa pas parler, de peur de contredire son … son amie, c'est pourquoi, pendant cinq bonnes minutes elle ne parle pas. Elle se contente de la regarder droit dans les yeux, tentant de la percer à jour comme la blonde faisait tout à l'heure avec elle-même. Tout de suite elle remarque que quelque chose à changé. Son regard est plus … Peut-être plus terne, ou alors plus pétillant … Elle ne sait plus quoi penser, quelque chose dans sa tête lui fait mal. Elle ne veut pas. Les cinq minutes sont écoulées petite Nastassia … Soudain elle prend sa tête dans ses mains. Elle sait très bien ce qu'il se passe à chaque fois que cette douleur se manifeste. Elle veut comprendre ! Pourquoi à chaque fois que quelque chose d'important se passe il faut que ça arrive ? Elle tente de tenir bon tout en sachant que de toute manière elle va perdre contre celle qu'elle ne connait pas …

« Mé... Mélusine, si tu es mon amie … aaah ! Sauves toi, la pluie ne mouille pas tant que je ne suis pas avec toi ! »

Elle avait dû réunir toutes ses dernière forces pour parvenir à articuler une phrase correcte même si au milieu la souffrance avait été trop forte pour une petite fille de dix ans. Si Mélu' fonctionnait comme elle le pensait alors il y avait des chance pour qu'elle retourne dans sa chambre et que la fillette reste dans le grenier pour encore un petit moment. Comme elle l'avait planifié dans sa tête, son corps avait basculé en arrière et elle avait à peine eu le temps de mettre son bras blanc sous ses cheveux blonds afin que ceux-ci ne touchent pas le sol sale du grenier et que sa tête ne tape pas sur celui-ci. Elle c'était endormie avoir l'espoir secret de se réveiller dans la même pièce …

A peine sa tête avait touché le sol que la blondinette rouvrit les yeux … La couleur ? Vous vous en doutez de toute manière : aussi profonde que le bleu d'un océan à dix kilomètres de toutes terres. Et oui, pas de chance Mélu', ta Reine a ressenti ta faiblesse. Et elle est très impatiente de rencontrer Mariechen … Serait-ce pour ce soir ? Lui présenteras-tu ?
La Reine se redresse, un sourire sombre sur le visage. Aucune âme Mélusine, penses-y, elle n'a plus d'âme, concentres toi sur ses yeux et répètes ces deux mots en boucle dans ta tête. Nastassia sera fière de toi si tu parviens à retourner à ta chambre sans … Sans son enveloppe corporelle si je puis dire !
Mais tout le monde sait que la Reine n'est pas de nature à laisser son As se sauver comme un pauvre Deux. Un Deux de quoi ? Pique, Trèfle, Carreau, Coeur ? Hum … De toute manière, qu'importe Trèfle ou Carreau, Pique ou Coeur, ils sont tous minables !
Nastassia se lève, attrapant le bras de Mélu' afin de la lever elle aussi. Une fois toutes deux debout, elle plonge son regard foncé dans celui, toujours aussi clair, de son As. Son visage de fend d'un joli sourire narquois … Mélusine, pense à ce que t'as dit 'Tassia … Sauves toi pendant qu'il est encore temps !

« Petit As ! Excuses moi si l'autre folle nous a coupé. Elle est vraiment impolie tu ne trouves pas ? »

Sa petite voix enfantine résonne entre les vieux murs et les tuiles. Elle sourie, ce n'est pas bon, d'habitude elle ne sourie jamais. Elle a toujours ce regard, ce visage, ce corps neutre. Pourquoi est-ce qu'elle sourie comme ça ? On dirait qu'elle est contente … Mélusine commence à répondre et elle la coupe :

« Dis moi, vais-je avoir un jour l'honneur de lui parler ne serait-ce que quelques secondes ? »

Mélusine sait très bien de qui elle parle, elle le sait inconsciemment, en fait, Nastassia a étudié le dossier de la Blonde. Elle sait pourquoi elle est ici. Un soir elle avait été à l'infirmerie et cette idiote d'infirmière était partie chercher un calmant pour des soit disant maux de ventre. Elle en avait profité pour chercher le dossier dans les petits tiroirs puis elle l'avait gardé pour la nuit. Le lendemain matin elle était revenue à l'infirmerie et l'avait reposé là où il aurait dû toujours être. Elle savait qu'elle entendait des voix et qu'elle avait été condamné pour deux meurtres. Elle la croyait elle, si cette personnalité là pouvait croire … Elle voulait rencontrer cette voix. Mariechen, s'appellerait-elle …

« Mariechen … Je sais que tu es là. Tu es à moi, tu es obligée de me répondre ! »

Que lui était-il soudain arrivé ? C'était bel et bien simple. Mélusine était toujours sereine et sérieuse, mais parfois, sa raison flanchait et sa maladie reprit le dessus. Son regard bleu, contrairement à celui de Nastassia, ne changea pas de couleur. Il s'illumina juste d'une lumière amusée. Ce regard ne laissa pas l'enfant indifférente, lui révélant que son amie entrait dans une sorte de transe. Cette même transe l'avait poussé à tuer deux personnes autrefois … peut-être même plus, qui sait. Il lui arrivait d'oublier quelques passages de sa vie, ces deux là l'avaient marqué mais elle ne savait pas si elle avait commit d'autres meurtres. Ah quoi bon s'encombrer de souvenirs si pénibles ? De culpabilité inutile ? Il y avait peut-être eu la si désagréable voisine qui la croyait responsable de la mort de sa chatte … enfin, la savait responsable de cette mort ! Comment s'appelait-elle déjà ? Ah oui ! La chatte s'appelait Ada. Cela voulait dire « joyeuse ». Cette signification avait un peu perturbé Mélusine, cet animal était sans-arrêt en train de montrer ses griffes menaçantes à quiconque tentait de l'approcher. Un jour, on l'avait retrouvée dans le jardin de cette voisine, Mme Rabenhorst, empoisonnée par de la mort aux rats. Quelle tragédie !
Mme Rabenhorst fut de plus en plus méchante après la mort de son Ada, comprenez la : elle était veuve et n'avait plus que sa chatte pour surmonter tout ça. Un jour, on la retrouva morte dans son hall d'entrée, la porte était ouverte et la vieille femme avait, selon les policiers, glissé depuis le palier de l'étage supérieur et dégringolé malencontreusement dans ses escaliers ! On ne put jamais déterminer pourquoi la porte était ouverte. Mais Mélusine ne s'était jamais demandé si Mariechen et elle étaient responsables de la mort de Mme Rabenhorst, à dire vrai, le quartier la soupçonna pendant peu de temps, aucune preuve ne fut trouvé prouvant que la petite avait commis un aussi atroce crime. Mais tout le monde se méfia d'elle à cause de son petit air supérieur et de son passé quelque peu particulier.
Pour en revenir au fait, la jeune fille commençait à rire quand soudain, elle vit Tassia se prendre la tête et dire comme souffrante :

« Mé... Mélusine, si tu es mon amie … aaah ! Sauves toi, la pluie ne mouille pas tant que je ne suis pas avec toi ! »

Mariechen ne pu s'empêcher de sourire lorsque son corps flottant comme un fantôme apparut dans les airs. Seule Mélu' pu la voir. Son amie ressemblait à un cadavre, un vrai corps en putréfaction. Lorsqu'elle lui était apparu la première fois, elle lui avait fait très peur, et la petite avait sauté de son lit en hurlant de toutes ses forces avant de sauter dans les bras de sa mère, soutenant qu'elle avait vu la pire des horreurs se pencher au dessus d'elle alors qu'elle tentait vainement de s'endormir.
Mélusine ne fit pas attention à ce que venait de dire Tassia, elle n'écoutait pas cette soudaine raison. Les médecins avaient compris que lorsqu'elle perdait la raison, elle pouvait avoir des hallucinations. Mais quotidiennement, elle pouvait entendre cette voix. D'ailleurs c'était vrai : pas un seul instant Mariechen ne lui était apparu tandis qu'elle gardait toute sa lucidité. L'esprit de Mélusine devenait esclave du cadavre flottant aux longs cheveux noirs et gras.

« Petit As ! Excuses moi si l'autre folle nous a coupé. Elle est vraiment impolie tu ne trouves pas ? »

Te crois-tu forte, Nastassia ? Mélusine est peut-être entrée dans ton jeu, mais son esprit est à présent combiné à celui de Mariechen et cette dernière n'apprécie pas tes manières. Mariechen n'est pas ton As et elle sera ravie de soumettre une mauvaise idée à Mélusine. Pauvre Mélusine. Ça n'est pas vraiment une sorte de schizophrénie, d'ailleurs les médecins n'ont rien diagnostiqué de ce genre chez elle. A vrai dire, c'est que Mariechen est plus forte que Mélusine, sa voix n'est rien pour celle qu'elle harcèle, mais lorsque son corps décomposé aux orbites creux et aux yeux vide de toute expression apparaît, alors Mélusine ne fait plus le poids face à elle. Elle laisse Mariechen lui dicter ce qu'elle doit faire, comment elle doit réagir ou bouger …

« Dis moi, vais-je avoir un jour l'honneur de lui parler ne serait-ce que quelques secondes ? »

Mélusine ne répondit pas, elle porta son regard discrètement derrière la fillette, pouvant ainsi voir celle qui commandait à ce moment. Marie (son surnom) leva la main pour qu'elle ne réponde pas. C'était inutile, elle voulait juste écouter ce qu'avait à lui dire cette soit-disant « Reine des Trèfles », cette grotesque petite fille qui se croyait tout permis d'imaginer.

« Mariechen … Je sais que tu es là. Tu es à moi, tu es obligée de me répondre ! »

*Es-tu fière de toi ? Voilà ce qu'il en coûte de ne pas m'écouter !*

*Que dois-je faire ?

*Ce que tu aurais du faire il y a déjà longtemps ! Mets fin à cette stupide mascarade immédiatement !*

*Mais ...

*Oh tu as raison … pour une fois ! Demande lui ce qu'elle veut !*

Marie sourit alors, elle avait hâte de pouvoir dire ces quatre vérités et cette petite prétentieuse, elle allait voir ce qu'il en coûtait de vouloir domestiquer SA victime. Et oui, Mélusine était SA victime, et elle ne comptait pas la partager avec qui que ce soit. Avez-vous déjà vu une bête féroce et solitaire partager son repas ?

« Qu'est-ce que tu lui veut ? »